L’histoire du 7ème art est jalonnée de titre de films qui ne reflètent pas vraiment la personnalité de leur auteur. Car oui, sans mauvais jeux de mots, Sébastien Aubert n’est surement pas « en panne » de créativité ni de talent à la vue de sa dernière production. Il est même permis de dire que ce jeune réalisateur est amoureux de son sujet, tant au niveau de la forme que du fond. La forme cinématographique, tout d’abord, prend l’aspect d’un style bien particulier, aisément reconnaissable pour ceux, tout du moins, qui ont pu voir son film précédent « L’orange » : un univers intemporel, très poétique, qui donne une place de premier plan aux enfants et propose une véritable exaltation visuelle face à des décors naturels savamment choisis. Mais c’est au niveau du fond que se situe peut-être la grande force du film. Même si l’on peut critiquer l’aspect totalement irréaliste des situations et des personnages qui y prennent part, son véritable sujet est ailleurs. En effet, le message rempli de sagesse propagé par les enfants ne peut que se distiller dans l’esprit des spectateurs, plongés dans un état quasi-hypnotique à la vue de paysages naturels dont ils sont, pourtant, coutumiers. Il est en effet connu que l’on finit par ne plus observer notre environnement quotidien, devenu justement si familier que l’on n’y prête plus qu’une attention pleine de normalité. A l’aide de plans choisis, qui vont du plan très rapproché en macro jusqu’à d’époustouflantes vues aériennes, Sébastien Aubert nous invite à redécouvrir la beauté d’un insecte butinant, à s’extasier devant la rencontre surprise avec une tortue centenaire ou bien encore à admirer ces forêts, ces champs et ces rivières.
Il est toujours un peu particulier d’aborder, sous un angle qui se veut critique, un film auquel on a participé, qui plus est en tant qu’acteur, Forcément, la sévérité du regard se porte avant tout sur soi-même et tend à occulter, ou tout du moins passer sous le seau de l’indulgence, tous les autres aspects, techniques et artistiques. A l’heure où le spectateur est plus que jamais abreuvé d’images caractérisées par de grand renfort d’effets visuels, Sébastien Aubert aborde l’ensemble des problématiques environnementales actuelles à travers une histoire simple et touchante. Simple, car si le cinéma amateur obéit obligatoirement à des contraintes de moyens compréhensibles, il n’en demeure pas moins que Sébastien porte une attention toute particulière à la photographie. Baignée par un soleil de plomb, la Nature est sublimée dans chaque plan, chaque cadre étant choisi avec beaucoup de soin afin de la mettre en valeur. C’est aussi ce qui a séduit ce public nombreux qui redécouvrait à l’occasion de la projection combien son environnement proche était empli de beauté. Touchante, car la partition des jeunes acteurs, en dépit du fait qu’ils ne sont pas parvenus à gommer en totalité les aspérités théâtrales de leur jeu et malgré le fait que leurs dialogues étaient parfois trop empreints d’une attitude d’adulte sage, ont réussi l’exploit d’emporter avec la tendresse de leur jeu la totalité des suffrages.
« En panne » est un film choral, dans lequel un petit groupe d’enfants, parti en excursion pédagogique avec un couple de professeurs, part découvrir le paysage environnant après que leur véhicule soit fortuitement tombé en panne. Chacun de leur côté, ils vont vivre des péripéties à la fois cocasses, sentimentales et même parfois un peu violentes comme en témoigne la rencontre avec un pyromane. Le discours qui se construit tout le long de leur périple est d’une actualité qui contraste bien avec leur apparence infantile et le ton intemporel donné au film. Car c’est un film qu’il faut aussi écouter, et finalement méditer. Et si le discours qui en ressort peut sembler 100 fois rabâché, il est ici émis par les enfants, qui représentent symboliquement le futur. Le couple d’enseignants, quelque peu dépassé comme peut l’être finalement l’humanité aujourd’hui, n’est là que pour témoigner de l’attitude nonchalante, inconsciente ou impuissante des personnages en poste de responsabilité. Malgré cela, Sébastien Aubert a voulu une fin optimiste, Même si les personnages ne se dirigent pas vers une aube naissante, symbolique d’une lueur d’espérance, mais préfèrent se dissoudre dans un coucher de soleil, symbole d’une fin de cycle, l’espoir est toutefois permis, puisque enfants et adultes préfèrent désormais vivre en cohésion totale avec cette nature qu’ils ont appris à découvrir.
Si vous ne faites pas parti de ce public d’heureux élus qui ont pu savourer cette belle histoire, nul doute que vous en aurez encore très bientôt l’occasion. Après avoir fait salle comble au cinéma « La Muse » de Bressols, « En panne » aura certainement encore la possibilité de flatter les yeux et les esprits de beaucoup de spectateurs, dans des salles de la région ou dans des Festivals suivant la direction que son auteur lui fera prendre. Entretemps, Sébastien Aubert est déjà reparti sur un autre projet, « La Flèche de Cupidon » réalisé par son ami Yannick Colombié, en attendant que germe dans son esprit une nouvelle création. Car il en va ainsi des films et de leurs auteurs, à moins de tomber « en panne », ils ne s’arrêtent vraiment jamais.